Au VIe siècle, Marcouf, moine évangélisateur du Cotentin, trouve sur les îles un lieu propice à la méditation les jours de Carême, d’où le nom d’îles Saint-Marcouf, qui restera un lieu de retraite pour les moines de la région jusqu’à ce que les pirates chassent les religieux vers 1574, trouvant là un havre à partir duquel ils pouvaient arraisonner les navires croisant dans la baie de Seine.
Comment les Duo limones sont devenues les îles Saint-Marcouf.
Nous voici donc au 5e siècle, ou un certain Marcoul naît en 483 (ou 490 selon les sources) à Bayeux, dans le Cotentin, dans une famille noble et riche d’origine barbare, mais convertie. Il est éduqué dans la foi chrétienne et est ordonné prêtre par l’évêque Lô, celui la même qui a donné son nom à l’actuelle préfecture de la Manche, Saint-Lo…
A l’age de 28 ans, il s’installe dans l’est du Cotentin, où il prêche pour convertir la population locale, et réalise des miracles auprès de fidèles paralysés ou aveugles. Il est remarqué par le roi Childebert, le fils de Clovis, qui lui accorde un domaine situé au bord de la mer dans un endroit nommé Nantus.
Là, il bâtit une abbaye, mais sa foi l’amène à rechercher encore plus d’ascèse, et il prend l’habitude d’aller chaque année à l’occasion du carême faire des retraites sur des îlots proches de la côte à proximité de son abbaye. Ces deux îles s’appellent alors Duo Limones, qui signifie « les deux limons », elles sont alors totalement désertes et hors de toute présence humaine.
Dans cet endroit inhabité, il trouve une solitude propice à la prière et met sa foi à l’épreuve. Il y aurait triomphé d’une ruse du diable, qui, caché sous sous la forme d’une femme naufragée très attirante, vient lui demander de l’aide, et à laquelle il offre du pain et de l’eau, mais démasque la supercherie et repousse les avances démoniaques. Ce haut fait vient alors renforcer l’admiration que lui vouaient déjà les fidèles dans toute la région.
Marcoul aurait ensuite vécu à Jersey, puis en Bretagne où il est mort en 558 à 75 ans, un âge canonique pour l’époque !
Sa dépouille fut ensuit conservée à l’abbaye de Nanteuil pendant près de 350 ans, ses reliques y étaient vénérées et réputées traiter les écrouelles, une maladie d’origine tuberculeuse qui apparaît au niveau du cou, alors fatale.
A la fin du 9e siècle, l’abbaye était régulièrement sous la menace des vikings, qui effectuaient alors de nombreux raids dans la région. Les reliques de l’abbé Marcoul furent mises en sécurité dans l’Aisne, à Corbeny, dans une église offerte par le roi Charles III le Simple. La légende veut que le pouvoir de guérir les écrouelles fut alors accordé aux rois par Dieu en récompense de ce geste. Cette tradition s’est perpétuée sous différentes formes, à Corbény même, où les rois se rendaient le lendemain de leur sacre, où plus tard à Reims et ce au moins jusqu’à l’époque de Louis XIV. C’est dire si l’influence de Marcoul est importante en France !
A partir du Xe siècle, les îles prennent progressivement le nom de leur illustre visiteur, désormais canonisé Saint-Marcouf. Une chapelle est d’ailleurs construite sur l’île du Large, elle disparaîtra lorsque l’île prendra une vocation militaire avec l’arrivée des Anglais au 17e siècle.
Quant à notre ami Marcoul, il est toujours vénéré en Normandie, notamment… à Saint-Marcouf de l’isle, commune de la Manche à laquelle les îles sont administrativement rattachées, tout en appartenant à l’État, et à Corbény, dans un nouveau sanctuaire, car les saintes reliques ont survécu à la bataille du Chemin des dames en 1917 grâce à des fidèles qui les ont mises en sécurité, mais pas l’église qui les abritait.
Et nous revoici au XXIe siècle, le nom des îles est désormais bien établi, mais 1460 ans après la mort de celui qui leur donna leur nom, leur avenir est encore incertain… L’action de l’association et votre soutien permettront à ces lieux chargés d’histoire et de nature de traverser encore quelques siècles pour que d’autres générations puissent en découvrir toute la richesse.
Si vous souhaitez en savoir plus, nous vous recommandons l’ouvrage de référence « Les ïles Saint Marcouf, d’Edmond Thin, aux éditions Orep.
A la fin du règne de Louis XIV, l’État français en fait un lieu de quarantaine pour les navires et, en même temps, pour contrôler le commerce maritime entre le Havre et le Cotentin.
A la Révolution, elles servirent de relais pour permettre aux royalistes de passer en Angleterre , et en particulier le confesseur de Louis XVI.
Les anglais s’emparent de l’île à la Révolution et l’occupent. Ils y construisent un premier fort, dont on peut encore entrevoir quelques traces sur l’île. Elle deviendra alors le point de passage des « Émigrés » fuyant la Terreur pour l’Angleterre, dont l’abbé Edgeworth de Firmont, ultime confesseur de Louis XVI. L’incursion de corsaires anglais sur ces îles a paralysé pendant de longues années toutes les activités commerciales entre Le Havre et Cherbourg. Dès qu’un navire sortait, il était pris en chasse par les anglais basés sur les îles.
Les îles seront restituées à la France à la Paix d’Amiens en 1802 (voir le texte du traité, et notamment l’article III) et Napoléon 1er, conscient de leur importance, décida de fortifier l’Île du Large pour se protéger des anglais. Un projet basé sur un fort circulaire à 3 niveaux est établi, le port est remanié et agrandi, les travaux sont lancés rapidement, mais durent plusieurs années, jusqu’à 500 hommes y prennent part, ce qui montre l’importance accordée au chantier par l’état major.
En 1800, le « Nautilus » premier sous-marin de guerre, construit par l’Américain Robert Fulton, fût engagé au large des îles pour tenter de chasser les Anglais.